lundi 4 juillet 2016

Pour la beauté du geste (feuilleton électrique) par Jimmy Jimi # 118


118. THE PRETTIEST STAR [DAVID BOWIE]

   Nous habitions tous à moins de cinq stations de métro les uns des autres. Nous aurions pu nous croiser dans un couloir de correspondance comme n'importe où dans le quartier, mais le hasard décida de ne pas s'en mêler – et je peux le comprendre, à la difrence du lecteur qui, peut-être, refusera de croire qu'un si grand amour et une aussi forte amitié puissent rir étouffer dans le silence. En vérité, c'est le contraire qui aurait été incompréhensible. Les plus belles choses sont souvent, aussi, les plus fragiles. Par quel miracle le lit d'Olympia ou notre salle de répétition se seraient ouverts sans que l'ombre des ailes gigantesques du « Monstre » n'ai tout obscurci de son plumage noir ? Quand on barbouille de fiente le pur visage de l'innocence, un gant de toilette n'y suffit pas : l'odeur nauséabonde s'incruste par tous les pores. La femme violentée du chapitre prédent pourra toujours changer sa culotte déchirée, le traumatisme ne s’effacera pas sous de nouvelles dentelles. « Allô mon tendre amour, allô mes chers amis, on efface tout et on recommence joyeusement ! On va s'aimer dans des bains parfumés à la violette comme si rien ne s'était passé ; on va parler, jouer, s'amuser, vivre, comme si un salaud de la pire espèce ne nous avait pas déféqué dans la bouche, comme si un salaud de la pire espèce n'avait pas lâché une bombe atomique sur nos plus jolis rêves ! Allez, on va faire une partie de flipper, jeter une pce dans le juke-box et raccorder les guitares ! Allez, hauts les cœurs, hardis petits, et que personne ne me dise qu'il a envie de pleurer et de vomir chaque minute de cette saloperie d'existence depuis que notre vieux pote Richard, le roi du Hit Parade, nous empala violemment l'un après l'autre dans les toilettes insanes de l'enfer en poussant des cris de bête assoiffée de stupre ! » Y aurait-il dans l'assistance quelqu'un qui croit à ce bon vieux Père Noël ou qui esre encore que les Rolling Stones sont en état de nous offrir un nouvel Aftermath ?

   Les jours auraient pu défiler ainsi, jusqu'à ce qu'une mignonne pleurésie m'emporte dans ma vingt cinquième année (dans ma petite enfance, je croyais que la pleurésie était le nom de la maladie des gens qui ont trop pleuré). Il paraît qu'il existe des individus qui se remettent de tout, de la guerre comme du divorce, et même d'avoir égaré leur Banana album (dédicacé par tous les membres du Velvet Underground) dans un énième déménagement. On permettra à d'autres d'être un tantinet plus sensibles.

   Je me couchais chaque soir, mon blouson fétiche roulé en oreiller et un foulard d'Olympia en guise de doudou pour grand enfant malade, tout en attendant la fin... C'était sans compter sur mon bon génie, Oscar Le Magnifique, l'homme qui alluma la musique dans ma vie, l'homme qui allait me sauver des affres de la déprime.
   Je le revois pousser nonchalamment la porte de la boutique et me demander, l'air de ne pas y toucher, si j'accepterais de l'accompagner au spectacle de danse qu'offrait la fille d'un de ses clients. Etrangement, je répondis oui. Je suppose qu'il existe une sorte de force mystérieuse qui vous fait comprendre que votre dernière chance se propose et qu'il serait assez mal venu de l'esquiver d'un geste dédaigneux.

   Pour la première fois depuis des lustres, je pris la peine de m'habiller avec soin.


   Dans le ciel, une étoile, une seule, brillait avec une intensité rare.

  

19 commentaires:

Keith Michards a dit…

Cet épisode m'a collé une putain de pleurésie ! Mais peut-être sommes-nous au début d'une nouvelle aventure… auquel cas, je serais mort de rire !!!

Jimmy Jimi a dit…

Hello Keith,
Sait-on jamais... volupté des contrastes?!

Everett W. Gilles a dit…

L'humain se remet de beaucoup de choses, c'est juste qu'il y a des degrés dans l'auto-protection.
Le pal, puisque tu le cites ici, s'en remet-on ?
Je ne sais pas, d'après Cocteau c'est un supplice qui commence bien mais qui finit mal ...

Jimmy Jimi a dit…

Hi Everett,
Merci pour ce joli trait d'humour. Au début, j'avais utilisé le verbe "sodomiser", mais "empaler", c'est à la fois plus doux et plus violent!

Audrey a dit…

Le fait que tu expliques ici davantage le pourquoi du comment (même si dans le faits tu ne dis pas grand chose), le fait est qu'on te crois. Je crois que c'est ce qui manquait. Comme quoi l'équilibre d'un texte est subtile.

J'ignore si le fait que tu termines si tôt ton chapitre par une promesse est une bonne chose. Je dirai que oui, parce que maintenant que je le sais, je n'ai plus envie de rester passif devant notre Jimmy en train de se morfondre mais au contraire, repartir et trouver d'autres rêves même si on se doute que ça ne sera plus jamais pareil.

Anonyme a dit…

(trois fois que je retape ce message moi, du coup ça force à l'humilité, la relecture, le zen tout ça tout ça).
ça me fait penser à du yves simon... je ne sais pas pourquoi.

je pensais que la période de décrépitude durerait plus longtemps mais l'image de l'endormissement en blouson et doudou force l'évidence avec brio :)
donc, j'attends la suite (et avec mon bol, ça paraîtra quand je serai loin du net ^^).

Arewenotmen? a dit…

Fin (très belle et poétiquement annoncée) ?

Je crois me reconnaître dans ce lecteur incrédule...

Jimmy Jimi a dit…

Hello Audrey,
L'inconvénient des textes courts, c'est qu'ils ne marquent pas toujours les esprits, même avec des phrases fortes. En revenant sur le sujet, je me fais peut-être davantage comprendre. C'est difficile de appesantir car on est davantage dans la psychologie que dans des faits.
En effet, ce ne sera plus jamais pareil, parce que l'on ne peut se construire de grands rêves tous les quatre matins. C'est compliqué, mais j'avais le désir de plonger dans cette situation où, après avoir frôlé son rêve, le personnage principal doit réapprendre à vivre et le faire avec le poids de la douleur.

Hi Yggdralivre,
J'ai peut-être été vite, mais j'y reviendrais sûrement avec des contre coups, mais je me voyais mal multiplier les chapitres sur la déprime, laquelle n'offre pas énormément d'ouvertures!
Il serait toujours temps de revenir en arrière pour rattraper ta lecture.

Jimmy Jimi a dit…

Hola Arewenotmen?,
Oui, tu fais parti de ceux qui m'ont poussé à en rajouter un peu sur la rupture, ce n'est pas évident de partager des sentiments aussi difficiles.

Audrey a dit…

Juste un mot également pour saluer la grande pertinence poétique du tire Bowie comme titre de chapitre. Vraiment une très belle idée qui interagit avec ton texte et qui rend ta fin (et du coup ton tout début quand on lit le titre) une note d'espoir en suspension.

Je reste persuadée qu'une vraie confrontation de ton personnage, non pas avec la déprime, mais avec la solitude, avec le réapprentissage de vivre sans son rêve, etc. aurait été un petit plus sans que cela ne lasse le lecteur. Au contraire, je pense que tu nous avais bien préparé à cette confrontation douloureuse.
Disons que cela pouvait être une option. Mais si tu ne la sens pas, la pire chose à faire serait de te forcer sans que toi tu ne sentes le chapitre. Cela nécessiterait sans doute une approche psychologique un peu plus intériorisé (disons plus une option Proustienne que Célinienne ^-^ ).

nestor b a dit…

Mais oui, et après ce petit spectacle de danse, rien de tel qu'une bonne vieille grosse session de flipper, jusqu'à la fermeture du bar, à en faire claquer dans tous les sens cette boule au ventre qui finira bien par imploser.. Vas-y Jimmy, sors de ce scaphandre !!!!!!

Jimmy Jimi a dit…

Audrey,
Il y aura deux titres à la suite de Bowie, comme il y en a eu deux des Beatles précédemment. Tu as sans doute ou peut-être raison, il y a des milliers de façons d'envisager une histoire, ce n'est pas que je ne le sente pas, c'est que je n'envisage pas de réécrire mes chapitres chaque fois que tu as une autre vision, sinon je n'aurais jamais fini!!! De plus, en faisant plus long, j'ai l'impression que ça m'aurait bloqué ou que c'aurait été trop au cas où mon personnage fasse une petite rechute! Tu parles de confrontation avec la solitude, mais, dans mon esprit, le narrateur n'était pas dans la solitude, il était vraiment dans la déprime la plus profonde, dans la mélancolie (au sens médical et allemand du terme), et je n'ai pas trouvé davantage de mots pour la d'écrire. Comme indiqué plus haut, j'envisage davantage d'y faire allusion par étapes dans les prochains chapitres.

Arewenotmen? a dit…

Je vois la dernière partie du texte comme un dernier songe, un dernier délire du héros avant d'être emporté par la maladie et je trouve cela très beau... personnellement, j'en resterais bien là !

Jimmy Jimi a dit…

Le lecteur est toujours libre de s'arrêter où bon lui semble, certains m'ont abandonné il y a bien plus longtemps.

Arewenotmen? a dit…

Ah mais moi ce ne serait pas par lassitude ou déception !

Jimmy Jimi a dit…

Tant mieux parce que je pense encore avoir besoin de quelques chapitres pour vider le fond de ma pensée.

Hello Nestor,
Hélas, tout, pour moi du moins, ne peut se régler autour d'une partie de flipper!

Phil Free a dit…

Suspense... ça sera la "magnificent dance" des Clash ou alors la "danse des poignards" de mam'zelle Nylon ?... Quelque chose me dit que la roue va tourner.

Jimmy Jimi a dit…

Hello Phil,
En fait, la roue a déjà tourné; désormais, mon but est assez vicieux (je te le livre comme un petit scoop): il consiste à vous détourner de l'atmosphère dramatique jusqu'à retourner au point de départ avant de vous offrir le grand final...

Phil Free a dit…

Le point de départ ? Tu veux dire quand Paul a rencontré John à cette kermesse de 57 ?

Sinon merci pour le scoop mais t'as pas peur que tout le monde le lise ?